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Kαλωσόρισμα


Les Grecs avaient deux mots pour dire la vie : zôê et bios. Le premier, zôê, exprimait le simple fait de vivre, la vie nue, celle qui fait s’élancer le taureau et danser l’hirondelle. Le second, bios, évoquait la vie spécifiquement humaine, cette vie habillée de culture comme un corps nu d’une salopette.

De ce partage on peut choisir de faire une césure, le sceau d’une différence irréductible : ainsi font les gardiens du seuil, garants d’un humanisme horizontal, sans profondeur, coupé de son versant animal. Et puis il y a ceux, comme Olga-Paraskévi Karadimos, qui préfèrent franchir les frontières qu’ériger des murs. Le partage, pour eux, se fait entente silencieuse, accueil démesuré, en un mot : hospitalité.

D’abord, il y a le regard, ce regard qui ne voit pas mais transperce, qui ne parle pas mais tranquillement vous traverse. L’animal, sous le pinceau d’Olga, devient visage. La toile n’est plus alors une surface à dévisager en spectateur mais l’espace pur d’une rencontre, d’un face-à-face où le plus lointain est aussi ce qui m’est le plus proche. Le taureau, le cheval, l’aigle, tous rendus à leur absolue nudité, me regardent, m’appellent, m’invitent dans leur monde qui est aussi le mien : vertige d’une immémoriale fraternité.

Olga Karadimos was born in Paris. Daughter of Greek artists, it deals with life in the face of culture. Inspired by the portrait of the other, it sets scene on his canvas scattered moments of life poetry. Olga's life is intimately linked to the painting. She has always painted and drew.

« La fraternité a un regard, disait le sage, et l’hospitalité, une main ». Main qui peint, qui caresse, main qui blesse parfois… Car cette intimité d’avant la mémoire, on sent ici qu’il faudra la payer de sa chair : frères de tout temps, mais frères de sang. « Créer, me confiait un jour Olga, c’est y laisser sa peau », laisser derrière soi cette ultime frontière, la nôtre, être à la fois dedans et dehors, infiniment vulnérable. Face au taureau ensanglanté, géant puissant et fragile, on se souvient de ces mots de Jean Genet, humble visiteur dans l’atelier de Giacometti : « il n’est pas à la beauté d’autre origine que la blessure… » Bienheureuse blessure que celle qui fait naître Vénus, blessure d’amour, non plus infligée au terme d’un combat à mort (tauro-machie), mais éprouvée au cours d’une lutte secrète avec soi-même : de la peinture considérée comme une automachie.

Et pourtant le voile ne tombera pas, la nudité ne se fera pas acrobatie de la chair crucifiée comme chez Bacon. Jamais la peau ne se soulèvera complètement pour laisser apparaître cette aurore toute nue exhibée par Dali. Chez Olga tout se dévoile et en même temps se dérobe, dans un jeu perpétuel entre nudité et pudeur, proximité et retrait. Ici la peau scintille, à peine offerte au regard que déjà elle se retire derrière le délicat rempart d’une salopette…

Received at the Ecole des Beaux-Arts in Paris. She began working at home, watching the masters who are passionate about. She paints as she lives inspired by Greek works that shape his canvases with poignant expressions describing the condition of the woman. This life will last 10 years. She lives between Paris and Athens.

Ici, dans cet entre-deux mystérieux aux couleurs de l’absence, la tunique de peau se voit soudain transmuée en vêtement de grâce. Ici enfin, au bord de cette fragilité à la limite du non-être que Lévinas appelle le féminin, la Vie peut endosser son plus bel habit de lumière, tissé de volupté et de tendresse.

Antoine Popowski